Une image du défilé lors du Kenya Fashion Week 2025/ KenyaVibe
Du 17 octobre au 1er novembre, Nairobi accueille la Kenya Fashion Week, un événement phare où des dizaines de créateurs, tant kényans qu’africains, dévoilent leurs dernières collections. Le Kenya aspire à affirmer son influence dans l’industrie de la mode, soutenu par une solide base textile qui a généré près de 400 millions de dollars d’exportations vers les États-Unis en 2023, selon le Bureau national de statistiques. Cependant, les défis auxquels font face les créateurs pour s’imposer dans ce secteur sont considérables.
Sharon Wendo, designer à la tête de la marque Epica Jewellery, illustre parfaitement ce parcours semé d’embûches. Depuis son appartement à Nairobi, elle confectionne des robes ornées de perles, un savoir-faire qu’elle a acquis par le biais d’une formation à la fabrication de bijoux maasai traditionnels. « J’ai démissionné de mon emploi après trois mois, car je savais que ma vocation était ailleurs. Créer en utilisant les perles, qui portent une riche histoire au sein des tribus kényanes, est devenu ma passion », raconte-t-elle.
Bien que Sharon ait réussi à créer une entreprise florissante et à embaucher une salariée, la réalité est bien différente pour de nombreux stylistes kényans. Les coûts des matériaux ont considérablement augmenté. « Le mètre de coton, qui coûtait environ 500 shillings (un peu plus de 3 euros), dépasse aujourd’hui les 900 shillings (environ 6 euros). Ouvrir un magasin nécessite un investissement de 3 à 5 millions de shillings, soit entre 20 000 et 30 000 euros », explique Ashaf Brian, un agent du secteur.
Un secteur en pleine mutation
La majorité des créateurs n’ont pas les moyens d’établir un atelier ou un point de vente physique. Beaucoup choisissent donc de se faire connaître en ligne. Toutefois, selon Sue Muraya, fondatrice de la Kenya Fashion Week, la mise en place de défilés est cruciale pour renforcer la crédibilité des stylistes locaux. « Nous soutenons les créateurs en prenant en charge des frais comme ceux des mannequins, afin qu’ils puissent se faire voir non seulement au Kenya, mais aussi à l’échelle de l’Afrique de l’Est et au-delà. Si les créateurs devaient financer intégralement un défilé, cela deviendrait prohibitif », précise-t-elle. Elle insiste sur le fait que ces événements sont essentiels pour le développement de l’industrie de la mode au Kenya, permettant aux créateurs de présenter leur style et leur inspiration au monde.
Bobbin, un créateur d’Ouganda, témoigne des difficultés rencontrées dans sa quête de succès à Nairobi. Après avoir perdu son atelier, il a sombré dans la dépression. « La réalité est que pour percer, il faut parfois payer des défilés et des médias, même si c’est illégal. J’ai essayé de créer des collections chez moi, mais cela m’a épuisé. J’ai traversé des moments difficiles, mais je sens que je vais bientôt retrouver le chemin du succès », confie-t-il.
Selon une étude de la plateforme Statista, le marché de la mode au Kenya est promis à un avenir florissant, avec des prévisions qui l’estiment à plus d’un milliard de dollars d’ici 2030. Ce potentiel appelle à une attention accrue et à un soutien renforcé pour les jeunes créateurs qui représentent l’avenir de la mode au Kenya.
Thom Biakpa
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